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Alerte sur les destructions de la faune en période de confinement | Lettre ouverte au président

Face à une situation de plus en plus préoccupante, avec des arrêtés de dérogation chaque jour de plus en plus nombreux, l’ASPAS a donc décidé, avec 11 autres associations animalistes*, d’interpeller directement le Président de la République au travers d’une lettre ouverte.


Monsieur le Président de la République,

Au moment où le confinement est légitimement imposé aux Français, de nombreuses préfectures dérogent à ces mesures de salubrité publique pour faire abattre des animaux sauvages. Cette grande hétérogénéité des règles, à la carte, ne peut que créer la confusion et même l’indignation.

La plupart des arrêtés préfectoraux prévoient la possibilité d’autoriser des abattages d’animaux sauvages en cas de dégâts aux cultures et pour motif sanitaire. Or nous savons aujourd’hui que le motif sanitaire est utilisé à tort par les préfets eux-mêmes, preuve en est les nombreux arrêtés autorisant encore récemment les tirs de renards en vue de lutter contre l’échinococcose alvéolaire, en contradiction avec les publications scientifiques et les recommandations ministérielles. Un motif potentiellement fallacieux est ainsi invoqué pour justifier des sorties supplémentaires en période de confinement drastique. L’établissement d’une liste nationale des motifs précis à même de pouvoir justifier ces interventions est indispensable, afin que les Préfets s’y réfèrent et s’y contraignent.

Concernant les dégâts aux cultures, l’utilité de la politique de destruction de la faune sauvage pour lutter contre d’éventuelles atteintes ainsi que l’ampleur exacte des dégâts imputés restent toujours à démontrer, et font l’objet de débats récurrents lors de l’adoption des listes des espèces « susceptibles d’occasionner des dégâts ».

Aussi, nous vous demandons d’adopter une décision encadrant sans équivoque les activités de chasse et de destruction de manière homogène sur l’ensemble du territoire, et selon des préconisations scientifiques, à l’instar de l’ensemble des décisions adoptées par le gouvernement depuis que l’état d’urgence sanitaire a été décrété.

Nous déplorons que pendant cette crise, qui nous interpelle vivement quant à notre rapport à la faune sauvage, les abattages injustifiés restent la norme. Et ce d’autant plus que, si les destructions réalisées en période « normale » font l’objet de compte-rendu voire de réunions préalables, justifications (certes discutables) à l’appui, il n’en est rien concernant l’ensemble des destruction autorisées en cette période. En effet, les interventions se font pour la plupart sur autorisations administratives individuelles auxquelles nous n’avons pas accès, et sans compte-rendu. Il n’existe donc aucune visibilité, aucune transparence quant à ces dérogations.

Aussi, nous demandons qu’à l’issue de cet épisode sanitaire, un état des lieux précis et régulier soit réalisé quant au nombre exact de dérogations et autorisations individuelles d’intervention délivrées dans chaque département, quant aux dégâts ayant justifié ces autorisations (nature et ampleur), et quant aux animaux abattus (nombre et espèce). 

On entend de plus en plus de chasseurs, Willy Schraen en 1re ligne, exiger de ne plus être les seuls à devoir payer les dégâts dans les cultures dus en particulier aux sangliers. Or ces dégâts sont directement corrélés à la gestion catastrophique des chasseurs de cette espèce depuis plusieurs décennies (hybridation avec les cochons domestiques, tirs sélectifs visant à épargner les laies reproductrices, agrainage dissuasif qui favorise le développement l’espèce, etc.). Les chasseurs demandent à chasser plus longtemps alors que leurs interventions ne règlent en rien le problème sur la durée. Nous pensons que cette crise est le moment opportun pour considérer d’autres solutions d’équilibre entre l’agriculture et la faune sauvage, basées sur des mesures de protection plutôt que de destruction.

Nos associations sont par ailleurs régulièrement interpellées par leurs membres suite à des coups de feu entendus depuis leur domicile ou des pièges trouvés lors de leur courte promenade autorisée. Ces personnes dont le lien à la nature est fondé sur le respect et la réciprocité ne comprennent pas cet acharnement, qui plus est en période de confinement.

Ces actes sont peut-être réalisés en application des dérogations sus-évoquées, mais rien ne permet de le vérifier, par conséquent nous sommes bien incapables de leur répondre quant à la légalité de ces actes. Et nous sommes loin de mesurer l’ampleur réelle du problème au regard des infractions dont personne n’aura jamais connaissance.

La seule solution qui se présente à nous est de les mettre en relation avec l’Office français de la biodiversité. Or les contrôles des actes de chasse au sens large sont suspendus, ce qui favorise les actes de braconnage. Cette décision est en outre incohérente avec celle de certains départements qui autorisent chasseurs et lieutenants de louveterie à participer à des tirs de loups ou encore les agents de développement des fédérations départementales de chasseurs à exercer leurs activités de contrôle.

Afin que la faune sauvage ne paie un lourd tribut en cette période, nous vous demandons de bien vouloir tout mettre en oeuvre pour que des moyens de protection soient rapidement distribués aux inspecteurs de l’environnement de l’Office français de la biodiversité afin que ceux-ci puissent exercer leur activité de contrôle sur le terrain dans les meilleurs délais. Leur simple présence sur le territoire aura un effet dissuasif non négligeable.

Rappelons que les activités liées aux soins délivrés aux animaux sauvages sont très largement suspendues, tout comme les activités liées aux études et à la connaissance de la nature. Nous déplorons que seules les activités maintenues soient celles visant la destruction de cette faune. Pour des motifs sanitaires et éthiques, cette situation est incompréhensible pour les citoyens que nous représentons.

Vous annoncez une sortie progressive du confinement à partir du 11 mai, pourtant, de nombreux arrêtés préfectoraux autorisent d’ores et déjà la vénerie sous terre du blaireau dès le 15 mai. Peut-on sérieusement envisager que soit pratiquée cette chasse collective au moment où la plus grande vigilance devra être observée ? Peut-être plus insensé encore, sauf intervention de votre part, la chasse à tir (activité qui provoque chaque année quantité de morts et d’accidents graves) pourra être autorisée dès le 1er juin, au moment même où les Français, après avoir été confinés, souhaiteront se ressourcer dans la nature…

En espérant que vous saurez entendre nos demandes malgré les circonstances exceptionnelles auxquelles vous devez faire face, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre très haute considération.

Par Malien RUBIN, Directrice ASPAS.


Les associations co-signataires :

Animal Cross, Anymal, Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS), AVES France, Blaireau & Sauvage, Convention Vie et Nature (CVN), Convergence Animaux Politique (CAP) Fondation Brigitte Bardot, Mélès, One Voice, RAssemblement pour une France sans Chasse.

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