Le terme « childfree » décrit une personne qui n’a pas le désir d’avoir des enfants. Que ce soit par refus d’adhérer à la pression sociale, pour des raisons philosophiques ou écologiques, ou tout simplement par “non désir” d’enfant, ils sont de plus en plus nombreux à refuser d’être parents.
C’est généralement une décision mûrement réfléchie et une remise en cause d’un modèle familial qu’ils jugent obsolète. Témoignages de femmes et d’hommes ayant décidé de ne pas procréer.
Bettina : « Je suis féministe, je me bats pour la liberté de choix concernant les femmes et leur reproduction »
Très active sur les réseaux sociaux, plus de 10.000 personnes suivent quotidiennement Bettina Zourli sur son compte Instagram. Elle a publié un premier essai sur le non-désir d’enfant en 2019.
« Depuis que je suis en âge de procréer, je sais que je ne veux pas d’enfant. Cela ne m’a jamais attirée, ça ne me donne pas envie. Aujourd’hui, je ne ressens aucunement le besoin de fonder une famille pour être heureuse et épanouie.
J’ai aussi une grande sensibilité écologique, et je pense que notre avenir va être ponctué de changements majeurs liés à l’activité humaine dévastatrice, et que nous sommes déjà bien trop nombreux. Enfin, de par mon engagement féministe, il faut arrêter de réduire les femmes à de simples objets de reproduction ». Si Bettina ne veut pas d’enfant, elle ne se considère pas pour autant comme antinataliste. « Disons que j’ai conscience que la planète se porterait mieux sans nous. Toutefois, je pense que chacun est libre d’avoir ou non des enfants. Ce pour quoi je milite, c’est d’une part la liberté de choix, et d’autre part, la responsabilité que l’on devrait plus mettre en avant. Faire un enfant n’est pas anodin, ça devrait être un choix réfléchi et pas seulement une envie viscérale. Il faut l’intellectualiser un minimum, pour faire ensuite le meilleur choix pour nous et le potentiel enfant à venir ».
Laura Carroll : « 60 ans et heureuse de ne pas avoir d’enfant »
Laura Carroll est une childfree convaincue, elle a mené plusieurs centaines d’entretiens avec des couples mariés sans enfant au cours des 20 dernières années. Elle est l’auteure de différents ouvrages sur le sujet. Aussi, elle est à l’origine du rétablissement de l’ « International Childfree Day*», qui décerne chaque année le prix de « Non-Parent de l’année ».
« Quand j’étais encore adolescente, vers l’âge de 14 ans, j’ai commencé à faire du babysitting pour gagner de l’argent. J’ai vite compris que je n’aimais pas cela. J’ai réalisé que je ne voulais pas que la parentalité soit au centre de ma vie ».
Elle a publié il y a 20 ans, le livre “Families of Two: Interviews with Happily Married Couples Without Children by Choice”, elle constate, depuis, que le sujet est de moins en moins tabou.
« Lorsque j’ai interviewé des couples pour mon livre, ceux qui étaient plus âgés m’ont expliquée qu’ils ne pouvaient pas parler ouvertement de leur choix. S’ils le faisaient, ils étaient considérés comme étranges ou anormaux. Beaucoup devaient mentir sur le fait de ne pas pouvoir avoir d’enfants. Ce choix est de moins en moins tabou, mais nous avons encore du chemin à faire, avant qu’il ne soit pleinement accepté par la société. Cela dit, je vois davantage de discussions sur le thème « childfree » au niveau international, c’est bon signe.
J’aimerais voir les hommes et les femmes comprendre l’importance de la décroissance démographique et agir afin que toute vie sur la planète soit respectée et valorisée. Je soutiens des organisations comme World Population Balance qui travaillent dans ce sens ».
*Le 1er août 1973, l’organisme américain National Organization for Non-Parents (NON), a célébré pour la première fois cette journée en décernant le prix de « Non-Parent de l’année », à un homme et une femme sans enfant.
Quarante ans plus tard, des auteurs sans enfants dont Laura Carroll, ont décidé de recréer cette journée en lui décernant le nom de « Journée Internationale des Gens Sans Enfant » ( International Childfree Day).
Aurore, 24 ans : « Je n’ai pas envie d’avoir un mioche dans les pattes H24 »
Élève ingénieure en GBA (Génie biologique et agroalimentaire), Aurore a beau trouver les enfants très mignons, ça ne lui a jamais donné envie d’en avoir.
«Je n’ai pas envie d’avoir un parasite dans le bide qui foute le bordel dans mon corps et me traumatise à la sortie, je n’ai pas envie d’avoir la responsabilité d’être mère. Je me démène à faire des études longues, difficiles, pour avoir un bon job et une belle vie, ce n’est pas pour consacrer mon temps, mon argent et mon énergie à une autre personne 24h/24 sans possibilité de choix, de retour en arrière. Il faut arrêter avec la pression sociale sur les femmes, on dirait que notre seul but dans la vie est de remplir une liste fixe dont il ne faut surtout pas s’écarter : études, job, compagnon, maison, mariage,enfants ».
Clotylde, 29 ans : « Un enfant ? Non merci ! »
Militante dans l’âme, Clotylde se bat pour la planète et contre la précarité. Elle et son compagnon, ont décidé ensemble de ne pas faire d’enfant dans un monde où l’avenir est incertain.
« J’ai plusieurs raisons d’avoir pris cette décision, toutes aussi importantes pour moi les unes que les autres. La première, est l’état de notre société, l’individualisme croissant et l’idéalisme capitaliste me dépriment et me mettent très en colère. La seconde est l’état de notre planète, entre le réchauffement climatique et les probables “guéguerres” que l’on va devoir subir, je ne sais pas moi-même comment je vais vivre les 50 prochaines années. Troisièmement, j’ai toujours été et je serais toujours une salariée précaire, car j’ai choisi de travailler dans le social, auprès des personnes les plus fragiles. Si j’ai des enfants, je ne pourrais pas, même si je le voulais, subvenir correctement à leurs envies et leurs besoins.
Dernière raison, par conviction féministe : Je suis une femme, donc je dois avoir des enfants ? NON, je refuse cette obligation sociétale.
Je suis féministe assumée et convaincue. Sans cesse, je dois prouver ma valeur, mes connaissances, mes expériences et mes engagements. En plus de cette obligation de genre, les hommes que j’ai fréquenté ne m’ont pas paru assez matures ni assez respectueux de la vie pour être père. J’ai subi des violences conjugales et je subis chaque jour le machisme des violences de genre. JAMAIS je ne veux que ma fille subisse cela, ou que mon fils les fasse subir.
Anaïs, 27 ans : « J’aspire tout simplement à la tranquillité »
Anaïs travaille dans la télécommunication et le service clientèle. Sa grande passion depuis toujours, c’est les animaux. Ils font aussi partie de ses (pré)occupations principales au quotidien.
« Dans la vie, j’aspire tout simplement à la tranquillité : un travail stable qui me valorise, une maison loin de la ville et de la foule, avec jardin et beaucoup d’animaux, voyager dans des pays qui m’intéressent, être entourée d’un conjoint et d’amis qui respectent ma façon d’être et mes opinions. Et ceux qui ne le font pas, je les raye tout simplement de ma vie.
Je considère que si je veux qu’on respecte mes choix, je dois aussi respecter ceux des autres. Néanmoins, je constate que de nombreuses personnes, et je l’ai vu dans mon propre entourage, font des enfants très jeunes, puis se séparent, regrettent d’avoir fait leurs enfants puis les délaissent. Je constate aussi que l’on est beaucoup trop nombreux sur Terre et je ne veux pas participer à cela.
Alors oui, je suis d’accord pour que la race humaine diminue drastiquement, que la nature puisse reprendre ses droits, mais je ne dénigre pas ceux et celles qui souhaitent faire des enfants. Car ça fait partie de notre société de se reproduire, et on aura bien du mal à se débarrasser de cet instinct ».
Stéphanie, 26 ans : « Je trouve les enfants insupportables »
Stéphanie, pacsée et en couple, sait depuis son adolescence qu’elle ne veut pas d’enfant, la vue d’enfants ou de bébés « mignons » l’a toujours laissée indifférente.
« Les enfants me gonflent, mais je ne les déteste pas : je peux jouer avec eux un certain temps, mais le rôle de parents ne m’attire pas du tout. Au quotidien, je les trouve juste insupportables.
Être mère demande beaucoup d’attention, que j’ai déjà parfois du mal à donner à mes chiens qui en demandent beaucoup moins. J’ai un trouble dissociatif qui n’aide pas à se concentrer sur quelqu’un d’autre de façon continue ; ce serait très fatigant moralement en plus de la fatigue physique que cela engendre. Je ne souhaite pas qu’un autre humain soit dépendant de moi.
De plus, ça coûte très cher et ça empiète considérablement sur notre vie quotidienne ».
Cependant, si elle est amenée à changer d’avis, Stéphanie nous précise qu’elle opterait pour l’adoption.
Franck, 32 ans : « Le conformisme social pousse les gens à avoir des enfants »
Terminons avec le témoignage d’un homme. Franck lui aussi, ne souhaite pas devenir parent, une décision prise et inchangée depuis plus de 10 ans.
« Entre crise écologique et économique, l’avenir de notre civilisation s’annonce de plus en plus en sombre. Je ne veux pas avoir d’enfants si je ne peux leur promettre des lendemains qui chantent.
J’évite de parler de mon non-désir d’avoir un enfant. C’est un choix éminemment tabou, le conformisme social pousse les gens à avoir des enfants, l’idée circule dans l’inconscient collectif qu’une femme ne devient une femme accomplie que si elle est mère.. Que pour un couple, l’enfantement est un devoir. On le ressent vraiment quand on parle avec les gens, avec les remarques du genre « faudra vous y mettre », « et le bébé, c’est pour quand? ».
Quelques chiffres sur les femmes sans enfant
- En France, 10 % des femmes nées en 1940 n’ont pas d’enfants. 12 à 16 % des femmes nées en 1980 n’en auront pas. (source)
- En Allemagne, une femme sur cinq a choisi de ne pas être mère. Une proportion qui grimpe jusqu’à 40% chez les surdiplômées. (source)
- Au Royaume-Uni, le nombre de femmes sans enfant a augmenté de 100 % en vingt ans. (source)
- Au Japon, 56 % des femmes de 30 ans n’en ont pas (contre 24 % en 1995). (source)
Source : RL pour Ecoh
Illustration : Disisrgio