AccueilInterviewsNathalie Arthaud : « le climat ne connaît pas de frontières, il...

Nathalie Arthaud : « le climat ne connaît pas de frontières, il faudrait planifier à l’échelle planétaire l’utilisation des ressources naturelles »

Afin de placer l’écologie au cœur du débat, nous avons posé les mêmes questions à différents candidat-e-s pour les élections européennes. Nathalie Arthaud, tête de liste de Lutte ouvrière, a accepté d’y répondre.


Ecoh – Bonjour, vous êtes tête de liste de Lutte ouvrière pour les élections européennes, pouvez-vous nous présenter votre parti ?

Nathalie Arthaud – Lutte ouvrière regroupe des femmes et des hommes engagés dans le combat pour débarrasser la société de la domination du capitalisme, cette organisation fondée sur la recherche du profit par une minorité, responsable de l’aggravation des crises économiques et sociales, des guerres qui plongent des pays entiers dans le chaos et des menaces écologiques qui mettent en péril l’avenir de la planète. Candidate Lutte ouvrière

Nous nous revendiquons des idées communistes car seule une organisation basée sur la propriété basée sur la propriété collective des ressources de la terre et des instruments de production permettra à la population de contrôler l’économie et de l’organisée démocratiquement en se souciant à la fois de satisfaire les besoins du plus grand nombre et de préserver l’environnement.

Nous sommes convaincus que les travailleurs, qui constituent la majorité de la population et n’ont aucun intérêt au maintien de l’actuelle société, sont seuls capables d’imposer cette transformation radicale et de poser ainsi les bases d’une société libre, fraternelle et humaine, débarrassée de toute forme d’exploitation et d’oppression.

Pourquoi avoir refusé de vous allier avec le Nouveau parti anticapitaliste ?

Nous avons eu des échanges avec le NPA sur la campagne à mener pour ces élections européennes. Au bout de deux mois de discussions, nous avons fait de part et d’autre le constat que nous ne voulions pas faire les mêmes campagnes. C’est ce qui nous a amené chacun, aussi bien le NPA que nous-mêmes, à faire le choix de nous présenter séparément, de façon à pouvoir développer les idées.

Principal point de divergence, le NPA souhaitait axer sa campagne sur une dénonciation des traités européens et mettre en avant la nécessité d’une rupture avec les institutions de l’Union européenne.

Quant à nous, dans notre campagne, nous voulons dénoncer, non pas les traités européens qui ne sont que des chiffons de papiers, mais le pouvoir bien réel de la grande bourgeoisie, fondé sur ses capitaux, sur la propriété des plus grandes entreprises industrielles et financières. Et cette domination sur l’économie lui permet de soumettre à ses exigences aussi bien les institutions nationales que celles de l’Union européenne.

Et à ce pouvoir du grand capital, nous voulons opposer à travers notre campagne les intérêts du camp des travailleurs et la nécessité de mener le combat pour le reversement du capitalisme, sans lequel aucun des problèmes de la société, depuis les menaces sur l’environnement et le climat jusqu’aux besoins les plus élémentaires, ne pourra être résolu.

En matière d’environnement, quelles mesures de votre programme vous tiennent particulièrement à cœur ?

Pour être efficace, pour agir sur le climat qui ne connaît pas de frontières nationales, il faudrait planifier à l’échelle planétaire l’utilisation des ressources naturelles et la gestion des déchets. On ne peut concevoir une telle organisation dans le cadre du capitalisme fondé sur la propriété privée des grands moyens de production, la recherche du profit individuel et les lois du marché.

Pour cette raison, selon moi, la principale mesure consiste à ôter aux capitalistes leur contrôle sur les grandes entreprises en les expropriant. C’est à cette condition seulement que la population pourra intervenir dans les choix décisifs sur les questions de l’environnement, comme dans toutes les autres.

Quel est votre avis sur les marches pour le climat qui s’organisent en France et un peu partout dans le monde ?

Ces mobilisations entraînent des jeunes qui veulent exprimer leur inquiétude et leur révolte. Ils ont raison ! Cela montre la sensibilité d’une partie de la jeunesse aux questions concernant l’avenir de la planète et sa conscience que, derrière les discours des gouvernements, les réunions internationales et les engagements de façade à réduire les émissions de gaz à effet de serre, les États ne prennent aucune mesure sérieuse contre le changement climatique.

Ceux qui manifestent avec des pancartes sur lesquelles il est écrit : « changer le système, pas le climat » ou « si le climat était une banque, on l’aurait déjà sauvé » ont bien raison et cela témoigne de leur conscience qu’il faut se battre pour changer un système où seul l’argent, le profit compte pour ceux qui nous gouvernent.

Je ne peux que souhaiter et militer pour que cette prise de conscience constitue le premier pas vers une remise en cause plus générale du capitalisme et de sa logique irresponsable de profit à court terme.

Selon vous, comment lier urgence climatique et justice sociale ?

Les questions sociales et écologiques sont intimement liées. C’est ce que Karl Marx résumait avec la phrase suivante : le capitalisme épuise deux choses : le travailleur et la nature. On ne résoudra pas la question écologique et en l’occurrence celle liée au réchauffement climatique, si nous ne contestons pas le pouvoir qu’exerce la classe sociale qui domine sur la société, c’est à dire la bourgeoisie.

Que penser de l’altermondialisme, est-il compatible avec le marxisme ?

L’altermondialisme regroupe des courants d’idée qui ont en commun de dénoncer les méfaits du capitalisme, comme l’emprise croissante des multinationales et de la finance sur l’économie, en recherchant des solutions qui continuent de se situer dans le cadre du capitalisme.

Or le capitalisme, tel qu’il est aujourd’hui, est l’aboutissement d’une évolution qui ne doit rien au hasard, et qui ne tient pas à la seule volonté des gouvernements. On ne peut espérer revenir en arrière pour retrouver un capitalisme plus soucieux des droits, de la justice sociale… Cela n’a d’ailleurs jamais existé. Le capitalisme est une société inégalitaire, qui se nourrit de l’exploitation. Même son fonctionnement « normal » représente un gâchis permanent de ressources et surtout de travail humain. Et ce gâchis devient catastrophique avec les crises et les guerres.

L’état catastrophique dans lequel se trouve la société humaine n’est pas dû à une mauvaise gestion du capitalisme ni au fait que le capitalisme serait mal contrôlé.

Le capitalisme est aujourd’hui plongé dans une crise profonde qu’il ne parvient pas à surmonter. C’est un système malade, à bout de souffle. Il est parfaitement utopique de chercher à lui donner un visage humain, en cherchant à « convaincre » les maîtres du monde, par de lentes réformes, de se transformer en philanthropes, ce qui est dans le fond la démarche des altermondialistes. Elle est à l’opposé de celle des marxistes révolutionnaires qui militent pour son renversement.

Comment y mettre fin ? En arrachant le pouvoir économique à ceux qui le possèdent aujourd’hui. Seule une révolution pourra guérir notre société des maux qui la rongent : une révolution, avec ce qu’elle recèle d’élan, d’énergie, d’enthousiasme, de générosité, sera capable de briser la propriété privée des moyens de production ; c’est-à-dire d’arracher des mains des capitalistes la gestion des usines, des banques, des mines, des terres, de l’énergie et des transports. Et de faire en sorte qu’ils appartiennent à la collectivité et soient gérés par elle.

Alors seulement, il deviendra possible de commencer à réfléchir collectivement à la meilleure manière de gérer l’économie – non plus en fonction des profits et du marché, mais uniquement en fonction des besoins de l’humanité.


Ecohmag – propos recueillis par la rédaction

Les derniers articles