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Sarah Soilihi : « L’urgence climatique frappe à nos portes. Le temps des demi-mesures est révolu ! »

Afin de placer l’écologie au cœur du débat, nous avons posé les mêmes questions à différents candidat-e-s pour les élections européennes. Sarah Soilihi numéro 2 sur la liste « Génération-s », a accepté d’y répondre.


Ecoh – Bonjour Sarah, vous êtes candidate sur la liste Génération.s pour les élections européennes, pouvez-vous nous résumer votre parcours ? 

Sarah Soilihi – Je n’ai toujours eu qu’une seule devise « Courage, force et honneur ». Cet axiome je l’ai, évidemment, depuis toujours, appliqué à la discipline sportive au sein de laquelle j’ai pu enchaîner les compétitions et décrocher la médaille d’or aux championnats du monde de kick-boxing. Pour moi, c’est la sincérité qui doit primer. Sur le ring, on livre des coups certes, mais c’est surtout son individualité, sans tricher, sans mentir, qu’on dévoile à son adversaire. On s’expose alors à des attaques, à des ripostes mais contrairement à ce qu’on imagine bien trop souvent, tout se fait dans le respect. Je revendique la même vision en politique. Il faut être habité par de vraies convictions, des valeurs solides, ancrées au service de l’intérêt général et cela n’est crédible qu’au travers d’un dévouement total et intègre à la vie dans la cité. Sans quoi, le status quo demeure et la défiance à l’égard des politiques publiques et de leurs acteurs n’a de cesse d’augmenter. Or, l’enjeu est trop grand. Mon parcours me l’a appris plus que quiconque. Je récuse donc les populismes, les nationalistes et les libéraux qui, de toutes parts, émergent pour instrumentaliser les inquiétudes citoyennes, plutôt que de se fonder sur l’intelligence collective. C’est notamment ce paradigme qui m’a poussée à rejoindre la liste de Benoit Hamon pour ces élections européennes.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager ? 

Née Française de parents marocains et comoriens, j’ai vu la précarité de quartiers entiers, comme à Marseille où je me bats depuis des années pour que les collectivités territoriales s’appliquent à redynamiser et redévelopper des pans entiers de l’économie locale et restaurer l’exigence d’une protection sociale digne de ce nom. Il n’est plus tolérable que des enfants de la République étudient dans des conditions déplorables avec des locaux insalubres car c’est la méritocratie elle-même qui est alors touchée dans ses principes fondamentaux. Il n’est plus tolérable non plus que les quartiers populaires fassent l’objet d’un retrait toujours plus important de l’Etat, au risque d’attiser les tensions sociales et les injustices. C’est pourquoi j’ai rejoint Génération.s, le parti de Benoit Hamon, et co-construit avec lui la liste du Printemps Européen. Avec les militant.e.s et les élu.e.s de ce mouvement, nous allons construire un nouveau monde où le travail retrouvera son sens, où le pouvoir d’achat sera augmenté et la qualité des services publics confortée. Ce monde, c’est le monde de demain, un monde dans lequel les inégalités, de salaires, de patrimoine, de capital culturel, auront drastiquement baissées, où l’argent n’ira pas aux banquiers mais à la transition écologique et où le citoyen et la souveraineté populaire seront enfin respectés. Mon obsession, ce sont les miens, les classes populaires, et l’on doit les mobiliser le 26 mai par l’espoir, non pas par la colère.

En matière d’environnement, quelles mesures de votre programme vous tiennent particulièrement à cœur? 

La crise est là et en dépit de ce que voudront nous affirmer la Macronie et ses amis, l’urgence frappe à nos portes. Le temps des demi-mesures est révolu. Une véritable ambition pour une transition radicale d’un système productiviste à un système raisonné s’impose. L’avenir des générations futures l’exige. Lors du débat avec les 11 autres têtes de liste, Benoît Hamon affirmait qu’il souhaitait que ses deux petites filles puissent continuer, dans vingt ans, à observer les arbres qu’elles dessinent aujourd’hui. Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) lance, pour sa part, un constat glaçant qui affirme que même en cas de respect des accords de Paris et d’une stabilisation de la hausse de température autour de 1,5°C, les répercussions sur le climat demeureraient gravissimes. Il faut donc aller beaucoup plus loin que ce qui a déjà été fait par le passé.

Nous à Génération.s, nous proposons une réponse de long-terme qui ne se contente pas d’annoncer, comme l’ont fait d’autres listes, qu’en 2050, l’on souhaite se rapprocher le plus possible du zéro carbone. Nous mettons d’abord en avant les moyens pour parvenir à de tels objectifs car nous estimons que le sérieux est de rigueur face à une telle menace. C’est pourquoi nous avançons la nécessité de reconnaître le crime d’écocide, qui consiste à développer toute forme d’activité économique à l’origine d’une dégradation de l’environnement et des écosystèmes, et son corollaire, soit la création d’une Cour Européenne de l’Environnement pour garantir l’application de mesures coercitives en cas de violation des normes en vigueur. Plus encore, nous proposons un plan inédit dans l’histoire de l’humanité en mettant 500 milliards d’euros par an sur la table de la Commission Européenne pour accélérer la transition vers un modèle de croissance plus soutenable, notamment en allouant un montant plus conséquent aux fonds de recherche. Le financement d’une telle planification, à l’inverse de ce que l’on a pu entendre, ne se fera pas aux dépends du contribuable mais sur la base d’obligations vertes par le biais des banques centrales, en incorporant les objectifs climatiques dans le mandat de ces dernières. Enfin, nous travaillerons, en concertation avec nos alliés européens, sur un plan de protection de nos agriculteurs, à travers notamment la constitution d’un « bouclier bio » qui financera l’ensemble des conversions au biologique, ainsi que sur un plan d’urgence absolue pour la sauvegarde de la biodiversité et le respect total du bien-être animal. Tant les consommateurs, que les producteurs et leurs exploitations gagneront dans cette transition qui, de surcroît, sera source d’emplois.

Quel est votre avis sur les marches pour le climat qui s’organisent en France et un peu partout dans le monde ? 

Les consciences, à toutes les échelles, s’éveillent. L’ensemble des acteurs, à défaut d’agir systématiquement, sait quel impact écologique est le sien et les climatosceptiques perdent de plus en plus du terrain. Lorsqu’un pays, comme les Etats-Unis d’Amérique de Trump, décide subitement de rompre ses engagements vis-à-vis de la préservation du climat, d’autres structures le remplacent. Aux USA, ce sont les grandes villes comme New-York ou Chicago, en France, c’est Angers, Paris ou encore Nantes. En bref, l’espoir demeure car la science sans cesse plus avancée annihile tout négationnisme climatique. Plus encore, c’est une jeunesse entière, à travers l’initiative de Greta Thunberg, qui s’est récemment soulevée pour s’indigner du manque d’ambition des Etats au XXIe siècle. Semaine après semaine, des marées citoyennes déferlent dans les rues pour rappeler aux gouvernements que leur mandat politique est aussi un mandat écologique. De telles mobilisations suscitent un regain de confiance dans un potentiel changement. J’ai envie de dire à ces jeunes, aux familles qui les soutiennent et à l’ensemble des militants qu’ils ne sont pas seuls. Ils ne sont pas seuls parce que des formations politiques, pas encore parvenues au pouvoir, tentent de fédérer toujours plus autour de l’enjeu du millénaire. Nous faisons partie d’elles car nous savons pertinemment qu’il n’y a pas de planète B et que le danger qui nous fait face ne pourra pas s’éteindre si nous déconnectons les solutions d’un profond bouleversement de nos façons de produire et de consommer. Il nous faut sortir de la logique capitaliste destructrice qui pousse les individus à accumuler de façon irrationnelle, dans un but purement social. Parce que le Printemps Européen est à gauche, nous revendiquons un héritage qui date des Lumières et de leurs idéaux de Justice, d’Egalité et de Progrès. Or de tels principes ne peuvent exister que si l’on retrouve le chemin de la Raison et que l’on accepte que notre modèle actuel ne soit pas soutenable, qu’il conduit inéluctablement l’humanité à sa perte. Les mots sont durs mais la mobilisation de millions de citoyens impose d’être – enfin – exigeants dans notre volonté et de mettre un terme à la passivité des précédents gouvernements.

Selon vous, comment lier la justice sociale et l’urgence climatique ? 

Quand on parlait de convergence des luttes en 2016 lors des manifestations contre la loi Travail, en observant tant une bataille anti-Hollande qu’une bataille inter-lycéens-travailleurs, on sentait que des luttes qui, à l’origine, étaient distinctes se retrouvaient imbriquées dans un même combat. En réalité, l’urgence du siècle qui nous met à l’épreuve pour l’environnement et le besoin de briser les injustices ne sont que les deux faces d’une même pièce. Pourquoi ? Parce que ce sont toujours les mêmes qui paient, les mêmes qui ne jouissent pas des mêmes droits. Pendant que des industries, gérés par des actionnaires déconnectés de la réalité, se versant des dividendes toujours plus importants, polluent en toute impunité, les plus démunis font face à une augmentation permanente du prix du carburant et cumulent les malus, leurs véhicules étant généralement d’anciens modèles et donc fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Ce sont également les plus défavorisés dans le monde qui seront le plus exposés aux catastrophes causées par l’activité humaine et qui seront, par la suite, contraints de migrer vers des terres plus sûres. L’inégalité économique devient alors une inégalité climatique. La réduction drastique des inégalités dans notre pays peut donc servir de levier à deux effets : briser le cercle vicieux des injustices qui forment système et permettre à tous de vivre dans un environnement plus sain. C’est pourquoi l’unique intermédiaire entre le besoin de justice sociale et le besoin de préservation de notre planète doit être la reconception progressive de notre modèle. Remettre en avant les circuits courts pour à la fois octroyer des revenus décents à nos agriculteurs et supprimer au passage l’impact carbone des transports. Créer le « bouclier bio » pour assurer une reconversion sans coût pour nos éleveurs et agriculteurs vers le biologique, tout en assurant l’ouverture à de nouveaux marchés plus responsables écologiquement. Rénover l’ensemble des passoires thermiques françaises pour garantir aux citoyens des logements plus protecteurs, tout en diminuant les pertes d’énergie. Autant de propositions qui visent à, non plus opposer deux conceptions sociétales, mais rapprocher le climat et le social pour enfin entamer la convergence des luttes si indispensable. Génération.s sera au rendez-vous.

Comment vous positionnez-vous face à la liste de la France insoumise, du PS ou du Parti communiste ? Pourquoi tant de divisions ? 

Le paysage médiatique se plait à affirmer que la gauche est morcelée, permettant au passage de donner davantage de crédit à un duel RN-LREM qui rejoue le second tour de l’élection présidentielle de 2017. Mais de quelle gauche parlons-nous ? Europe Ecologie-Les-Verts ont récemment déclaré n’être « ni de gauche ni de droite » et pensent que l’écologie est « soluble dans l’entreprise ». Je n’aime pas ces affirmations car elles propagent le doute en supposant qu’il suffirait d’ajouter quelques mesurettes en faveur du climat pour être un programme écologique. Et quand bien même le programme de EELV le serait, toute la dimension sociale est totalement délaissée, M. Jadot ayant, il y a quelques jours, appelé à un débat sur le rapprochement des statuts (privé-public). Il s’agit là d’une menace sans précédent d’un progrès social, fruit de plusieurs décennies de combat. Venons-en maintenant au Parti Socialiste. Qu’en reste-t-il ? Quel héritage de la gauche revendiquent-ils ? Le PS est désormais un organe du passé. Leurs alliés européens ont dernièrement au Portugal comme en Allemagne affirmé que beaucoup de points communs avaient été décelés avec la République en Marche. Quelle vision de la gauche donne-t-on quand on approuve le bilan d’un chef d’Etat qui parle d’émancipation en attendant six mois de crise sociale dans notre pays pour avancer des propositions floues ? Nous, nous n’oublierons pas que notre adversaire a toujours été les libéraux, marchepied inéluctable des extrêmes. C’est pourquoi le PS n’est plus la gauche mais un centre avec certaines réminiscences d’un passé de gauche qu’ils n’honorent plus. Quant à LFI  je suis mieux que quiconque placée pour leur demander de mettre un terme aux stratégies populistes. Il n’y aura pas de liberté, d’égalité et de fraternité sans le cadre de paix que constitue l’Union Européenne. Utiliser la menace d’une potentielle sortie comme argument de réforme n’est pas sérieux. Nous estimons qu’une profonde transformation des traités est nécessaire mais dans l’Europe et non en dehors. En somme, Génération.s n’a jamais cessé de désirer être un pilier de la maison commune à gauche. Mais d’une gauche intègre, fidèle aux progrès durement arrachés, certaine de ses convictions et au jeu politique clair. Nous appelons, le 26 mai, tout électeur de gauche et d’ailleurs à sanctionner tous ceux et celles qui ont menti en utilisant les apparats de la gauche pour trahir ses valeurs les plus fondamentales.

Ecohmag – propos recueillis par la rédaction

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