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Zerrin Bataray : « l’écologie ne peut être apolitique, elle est nécessairement de gauche »

Afin de placer l’écologie au cœur du débat, nous avons posé les mêmes questions à différents candidats pour les élections européennes. Zerrin Bataray, investie sous la bannière de Génération-s, a accepté d’y répondre. Entretien.


Ecoh – Bonjour, vous êtes candidate sur la liste de Génération-s pour les élections européennes, pouvez-vous nous résumer votre parcours ?

J’ai 39 ans et j’habite à Roussillon en Nord Isère. Je suis née au Kurdistan de Turquie et je suis arrivée en France à l’âge de 4 ans.

Nous avons été accueillis et naturalisés sous la Gauche et je suis toujours restée fidèle à ses valeurs d’accueil et à l’humanisme que pouvait incarner la France.

Mes origines et l’histoire de mon peuple et notamment la soif de justice et de démocratie qui m’anime en conséquence, m’ont conduite à faire des études de droit, pour devenir Avocate.

C’est ainsi qu’après l’obtention de mon Master Droits de l’Homme et des travaux au sein du Programme des Nations Unies pour le Développement, j’ai prêté serment au Barreau de Lyon.

Depuis 10 ans maintenant je défends les droits des salariés aux côtés des organisations syndicales et je combats les dérives politiques consistant à précariser toujours plus les travailleurs au profit de cette « fléxibilité » voulue par le patronat. La loi travail et les ordonnances MACRON en sont les dernières illustrations.

En parallèle je n’ai jamais cessé de militer pour les droits humains et combattre tout aussi ardemment les attaques contre nos droits et libertés en France et en Europe.

Là encore la loi « anti casseurs », les perquisitions de journaux, les arrestations de journalistes, les atteintes au droit à l’avortement, l’emprisonnement des dirigeants catalans… en sont malheureusement les quelques dernières illustrations.

Comme je le dis toujours, renoncer à une liberté c’est mettre en danger toutes les autres. C’est pourquoi je suis fière de notre slogan « VIVE L’EUROPE LIBRE ».

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager ?

Après l’ère « SARKOZY » qui nous a grandement mis à mal, comme beaucoup, j’avais placé énormément d’espoirs dans le retour de la Gauche. Je décidai pour la première fois de prendre ma carte au parti socialiste début 2015. Mais, la déchéance de nationalité, la loi travail, le CICE, marquaient pour moi la rupture du PS avec les valeurs de Gauche. C’est naturellement que j’ai soutenu au sein de ce parti Benoît HAMON dont la constance, l’honnêteté et la cohérence m’ont toujours convaincue ; Nous avons remporté les primaires et j’ai naïvement pensé que l’espoir était permis.

Cependant, une fois de plus la déception fut terrible et la campagne fut jalonnée par les trahisons des uns et des autres. C’est pourquoi, j’ai quitté le parti socialiste en 2017 et me suis présentée aux élections législatives, avec les soutiens du Parti Communiste, de Benoît HAMON et de GDS (Gérard FILOCHE).

Comme un peu partout, nous n’avons pas remporté cette bataille. Cependant, nous ne perdrons pas la guerre contre les libéraux et les nationalistes.

Pour mener ces combats, j’ai choisi GENERATION.S aux côtés de Benoît HAMON convaincue que l’échec de la présidentielle n’était pas l’échec de nos idées mais bien plus celui du Parti Socialiste.

En dépit de la jeunesse de notre mouvement, les élections européennes, sont l’occasion pour nous de défendre nos idées et notre idéal de société.

Pour moi GENERATION.S est un nouvel espoir, tant il est à mon sens le seul à répondre aux défis de notre temps et à apporter des solutions innovantes : revenu universel, taxe sur la richesse produite par les robots, lutte contre l’Ecocide, new deal vert, récépissé de contrôle d’identité, inscription du droit à l’avortement dans les traités européens comme condition d’adhésion et de maintien dans l’UE, fin de Dublin, accueil digne des exilés et tant d’autres mesures sortant des sentiers battus…

GENERATION.S a une démarche inclusive, d’ouverture et non de rejet de l’Europe . En effet, nous aimons l’Europe et nous pensons que c’est la bonne échelle pour agir.

Nous ne voulons pas en sortir mais nous voulons la changer. Nous avons la conviction qu’elle peut être, fédérale, démocratique, sociale, écologiste, humaine, solidaire et fraternelle.

Fort heureusement nous ne sommes pas les seuls à le penser et c’est pourquoi, dans le cadre de ces élections européennes, nous nous sommes déjà alliés aux autres mouvements jumeaux à travers toute l’Europe pour présenter un programme commun.

Génération.s est donc le membre français de cette alliance transnationale appelée « Le printemps européen ».

Au Parlement Européen, nous resterons cohérents, nous ne ferons aucune alliance avec les libéraux, nous appartiendrons à un nouveau groupe « printemps européen ».

Notre candidat à la présidence de la commission sera Yanis VAROUFAKIS (ancien ministre des finances en Grèce).

En somme, si j’ai décidé d’être candidate au sein de GENERATION.S et avec Benoît HAMON, c’est parce que nous prenons la question des européennes réellement au sérieux et nous sommes les seuls à avoir un projet à l’échelle européenne.

En matière d’environnement, quelles mesures de votre programme vous tiennent particulièrement à cœur ?

Contrairement à d’autres partis nous nous revendiquons pleinement et entièrement de Gauche. D’ailleurs aucune politique ne se situant pas à Gauche ne pourrait être efficace en matière écologique comme aucune ne pourrait être efficace hors du cadre Européen.

Nos engagements en matière écologique partent d’un constat. Il faut désormais un réel choc, un new deal aussi ambitieux que celui de l’après guerre, pour engager la réelle transition écologique.

Nous avons ainsi prévu d’injecter 500 milliards d’euros par an pour y parvenir, et ainsi aboutir à notre objectif zéro carbone d’ici 2025, investir dans le logement et la rénovation thermique, les énergies renouvelables et les mobilités propres.

Nous interdirons également aux banques d’investir dans les projets d’énergies fossiles et intégrerons les objectifs climatiques de l’accord de Paris dans le mandat de la Banque Centrale Européenne.

Le point le plus ambitieux de nos engagements en matière d’environnement est la reconnaissance du crime d’écocide et la création d’une cour européenne des droits de la nature. En tant qu’avocate, il me semble primordial qu’il y ait une traduction juridique et de réelles sanctions de ceux qui entravent notre droit et notre liberté de vivre dans un environnement sain.

A ce titre, nous nous engageons à interdire immédiatement les pesticides et les perturbateurs endocriniens qui empoisonnent les corps, l’eau et les aliments. Nous réduirons drastiquement les émissions de polluants dans l’air et dans nos assiettes.

Nous devons comprendre que nous pouvons encore agir et que l’Europe en a les moyens.

Quel est votre avis sur les marches pour le climat qui s’organisent en France et un peu partout dans le monde ?

Nous assistons un sursaut planétaire et citoyen. Nous avons désormais tous compris que l’écologie n’était pas une question élitiste. Nous avons également compris que nous avons le droit de vivre sainement et en bonne santé. Nous ne voulons plus sacrifier notre santé et notre bien être sur l’autel du libéralisme et du productivisme.

Nous assistons par ailleurs à une réappropriation de la nature et de notre cadre de vie. Nous ne voulons plus abîmer nos sols, notre eau, notre air. Nous voulons préserver la biodiversité.

Depuis plusieurs mois déjà j’ai le plaisir de participer à l’appel des coquelicots, car oui, nous voulons des coquelicots, des abeilles, des saisons…..

J’ai été aussi particulièrement émue par les grèves et marches de la jeunesse auxquelles j’ai participé.

Ils nous parlent à nous « les grands », ils nous somment de réagir, nous mettent face à nos responsabilités et nous rappellent que contrairement à la dette financière, la dette écologique ne se rembourse pas.

Ce qui est exprimé dans les marches pour le climat, c’’est la volonté de voir ces revendications traduites en actes politiques. Et bien c’est ce à quoi s’engagent à travers toute l’Europe les Candidats du printemps européen.

Selon vous comment lier justice sociale et urgence climatique ?

La justice sociale ne peut se traduire que par l’égalité.

Aujourd’hui elle est absente, car ceux qui subissent de plein fouet les méfaits du productivisme et du libéralisme, sont les classes sociales les moins aisées et notamment les quartiers populaires.

Nous devons assurer un mode de vie durable pour tous, un modèle de développement tenant en compte la rareté des ressources naturelles, l’automatisation, la précarisation du marché du travail et la destruction de l’environnement.

L’urgence climatique et la justice sociale ne peuvent être traités distinctement car ce sont bien nos modèles que nous devons changer pour changer la vie des citoyens.

Le new deal vert que nous proposons mettra à égalité les citoyens dans leur droit d’accéder à un logement économe en énergie, à une alimentation saine et biologique et à des modes de transports « verts » et peu onéreux.

La justice sociale c’est aussi de ne pas faire peser le poids des efforts toujours sur mêmes. Une plus juste répartition des richesses conduira à mettre en place le principe des pollueurs payeurs.

Qu’il s’agisse des banques, des entreprises pétrolières ou celles commercialisant des produits phytosanitaires et tant d’autres, toutes sont de puissants lobbies, exerçant au niveau européen des pressions sur des parlementaires. Dans ces conditions il ne peut y avoir de justice sociale.

Notre député européen Guillaume BALAS a notamment été à l’origine de la découverte de l’implication directe de MONSANTO dans la production d’un rapport établi pour le parlement européen sur l’utilisation des produits phytosanitaires.

Avec Génération.s et le printemps européen, nous proposons la mise en place d’un lobby citoyen et une obligation de transparence et un contrôle, sur les relations entre les parlementaires et les lobbies.

Nous continuerons ce combat au parlement européen dès le 27 mai prochain !

Comment vous positionnez-vous face à la liste du PS, d’EELV et de la France insoumise, pourquoi tant de divisions ?

A Génération.s nous avons toujours œuvré pour l’unité de la Gauche. Notre mouvement a même été créé pour bâtir cette maison commune, dans le respect des positions et identités de chacun, allant jusqu’à prendre l’initiative de proposer « la votation citoyenne », le seul moyen de sortir par le haut de cette impasse.

Il s’agissait de faire participer les citoyens à un vote préférentiel.

Chaque citoyen adhérent aux valeurs communes de Gauche, aurait pu voter par préférence à 3 programmes et ainsi attribuer 3, 2 et 1 points … un peu comme à l’eurovision.

Le résultat obtenu aurait permis de fixer sur la liste commune le nombre de candidats pour chaque mouvement et les engagements du programme commun.

Bien entendu, cette votation aurait été gérée par un organisme indépendant.

A cette proposition, dès le lendemain nous nous sommes vu opposer des refus sans même analyser notre proposition, sans même faire de contre-proposition, si l’on jugeait que le dispositif était défaillant ou imparfait.

L’unité ne se fait pas seul.

Partant, nous n’avons d’autre choix que de défendre nos idées et insister sur ce pourquoi nous pensons que nos engagements sont ceux qui permettrons de libérer l’Europe du nationalisme et du libéralisme.

Ce travail nous l’aurions fait en tout état de cause même à l’occasion de la votation citoyenne pour convaincre le peuple de Gauche du sérieux de nos engagements.

Par ailleurs, je constate qu’EELV annonce que l’écologie serait ni de droite ni de gauche et place publique et le PS s’allient pour nous annoncer qu’ils prendront place au parlement européen aux côtés des libéraux.

A Génération.s, nos positions sont claires, cohérentes et constantes :

  1. Nous prenons l’Europe au sérieux, nous avons avec le printemps européen un vrai projet européen et nous faisons campagne pour gagner contre les libéraux et les nationalistes,

  1. Nous n’envisageons pas la sortie de l’Europe et nous sommes convaincus que tout en faisant un travail de fond pour la révision des traités, nous pouvons agir dès le 27 mai prochain. Par ailleurs, nous assumons notre humanisme, nous mettrons fin à DUBLIN, tout comme nous accueillerons dignement les migrants.

  1. La démission de Nicolas HULOT du gouvernement, est l’illustration même que l’écologie ne peut être apolitique, elle est nécessairement de gauche et nous l’assumons,

  1. Nous ne siégerons jamais avec les libéraux au parlement européen, ceux là même qui ont voté nouvellement avec le parti socialiste européen contre nos amendements éthiques sur les armes, y compris les armes létales autonomes

Ecohmag – propos recueillis par la rédaction

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